Une question revient régulièrement lorsqu’on aborde le thème de la préparation au marathon. Aussi bien vos courriers, vos réflexions sur vos épreuves que vos interventions sur les forums montrent à quel point elle vous tarabuste : Faut-il, oui ou non, effectuer des sorties à « allure marathon » ?
           QUELQUES RAPPELS :
Le marathon se court, lorsque l’athlète l’aborde convenablement préparé et suffisamment aguerri par plusieurs années d’entraînement assidu, à une allure qui ne correspond pas à une « zone » physiologique particulière. On entend par là qu’à l’inverse de la « vitesse maximale aérobie » ou la « vitesse au seuil », supérieurs au rythme moyen du marathon, elle ne permet pas de travailler une aptitude particulière. Elle se situe, suivant les cas, entre 65 et 80% de la VMA. En fait, les aptitudes d’endurance du marathonien résultent de trois facteurs :
- la vitesse maximale aérobie. C’est logique, plus celle-ci est élevée, plus l’allure qui correspond à 65, 70 ou 80% de la VMA sera elle aussi élevée. Développée plus tôt avant la préparation spécifique du marathon, la VMA fait cependant l’objet de rappels réguliers en cours de préparation, notamment pour ne pas perdre des acquis techniques ni la qualité de « pied ».
- l’endurance, autrement dit l’aptitude à tenir le plus VMA. Par exemple, le coureur qui tient 90 mn à 80% longtemps possible à un pourcentage important de la de sa VMA possède plus d’endurance que celui qui ne tient que 75 mn à 75% de la VMA. Cette « endurance » s’améliore, tout le monde s’accorde sur ce point aujourd’hui, grâce à l’accomplissement de séances dites au « seuil », c’est-à -dire effectuées à l’allure au-delà de laquelle l’accumulation sanguine et tissulaire d’acide lactique croît très rapidement. C’est en quelque sorte la vitesse « équilibrée » la plus élevée que puisse tenir le coureur. Elément essentiel de la préparation, ce travail au seuil impose d’effectuer des séances à cette allure plusieurs fois dans un délai de dix jours (la périodicité dépendant du nombre de sorties hebdomadaires accomplies par le coureur). Idéalement, il met les chevaux tous les 4 à 5 jours lors de la préparation « spécifique ». Il accomplit dans ce but des séances de forme variable, en continu ou en fractionné, que nous avons déjà abordées dans ces colonnes.
- Le dernier élément qui pourrait être déterminant est ce qu’on nomme « l’économie de course ». Ce paramètre, a été plus particulièrement étudié dans un récent travail mené par Véronique Billat. Cette économie de course traduit que pour produire de l’énergie mécanique (c’est-à -dire du mouvement), certains coureurs gaspillent moins d’énergie, à une même allure, que d’autres. Cette « économie » ressemble tout à fait à la qualité qu’on décrit pour des véhicules qui dépensent 8 litre plutôt que dix litres de carburant pour cent km. La question fondamentale, en termes d’entraînement, que beaucoup se sont posés jusqu’à présent est de savoir comment améliorer cette économie gestuelle lors du marathon.
- Longtemps, non sans logique, certains ont considéré que pour être moins dépensier sur marathon et y progresser, il fallait régulièrement courir à cette allure.Le souci qui en résultait, c’est que de telles séances génèrent de la fatigue, et que dans ces conditions, cumuler séances au seuil, sorties longues, un peu de VMA et sessions à allure marathon fait courir un trop g ros risque de surmenage au coureur. Ceci explique que d’autres entraîneurs ont fait le choix de privilégier les allures « utiles » et les sorties longues, pour n’accorder qu’une faible importance au travail à allure marathon. Une publication parue cet été leur donnerait raison…LA VÉRITÉ VIENT DU TERRAIN :
La physiologiste lilloise Véronique Billat conduit des études très pragmatiques dans le domaine de l’entraînement, ne laissant aucune place à l’empirisme douteux ni aux spéculations. Elle a mené son travail auprès de marathoniens de haut niveau, recrutés en France et au Portugal sur la base de chronos respectables (moins de 2 h 11 chez les hommes, moins de 2 h 35 chez les femmes). Elle a suivi les 8 semaines d’entraînement spécifique qui précédaient les J.O. de Sydney.
Durant cette préparation, le kilométrage culminait à 180 km chez les hommes et 155 chez leurs collègues féminines. Leur entraînement ne comportait aucune séance effectuée à allure marathon, mais on y relevait la réalisation régulière de sessions courues aux vitesses de 3000 m (VMA) et 10.000 m, c’est-à -dire à des allures supérieures à la fois à la vitesse marathon mais aussi au seuil anaérobie. En fait, comme le précise Véronique Billat dans cet article, ils évoluent à un rythme situé exactement à mi-chemin entre la vitesse au seuil et la VMA. C’est une allure caractéristique qui permet, après quelques minutes, d’atteindre VO2 Max. Ce travail très ciblé, associé aux footings et aux sorties longues, dura de (S- 10) à (S-2), date à partir de laquelle les charges d’entraînement (notamment des athlètes lusitaniens), décrurent très fortement. Au début (S- 10) et à la fin (S-2) de cette période préparatoire, elle leur demande d’effectuer un test très précis. Muni d’un appareillage permettant d’évaluer précisément la consommation d’oxygène, chacun de ces athlètes devait effectuer une course de 10 km à l’allure de leur record sur marathon. La consommation d’oxygène était mesurée entre le 2ème et le 3ème km, une fois les processus énergétiques stabilisés. Cette procédure avait pour objectif de calculer le coût énergétique à la vitesse du marathon, et d’observer si cette variable si déterminante se modifiait en l’espace de deux mois sous l’effet de cet entraînement qualitatif. Qu’a-t-elle finalement constaté ? Que l’entraînement proposé n’avait pas abaissé le coût énergétique. Autrement dit, en s’entraînant aux vitesses de 3000 (VMA) et 10.000 m lors des séances de fractionné, ces athlètes ne devenaient pas plus « rentables » à la vitesse du marathon. Donc, a priori, les tenants de l’entraînement à l’allure marathon auraient raison.
Mais un autre résultat déduit de cette étude compense très largement ce constat. En général, des athlètes performants et doté d’un long passé athlétique conservent une VO2 Max rigoureusement identique (ou quasiment) d’un bout à l’autre de la saison. Or ici, malgré leur niveau d’athlète d’élite, ces volontaires ont amélioré d’environ 5% leur VO2 Max en l’espace de 8 semaines. Cela confirme en passant l’extrême intérêt d’un entraînement bien « ciblé ». A bien lire ces résultats, on comprend que, de ce fait, leur « allure marathon » représente, en fin de préparation, un plus faible pourcentage de VO2 Max. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que cela peut en théorie leur permettre d’aller plus vite sur cette distance. Le bénéfice qui s’ensuit est certainement supérieur à celui qui aurait résulté d’une amélioration du rendement énergétique à l’allure marathon.
LES BONNES PISTES POUR LE FUTUR :
Qu’en conclure ? Que quel que soit votre niveau, il convient de se concentrer sur des allures utiles supérieures à celles auxquelles le marathonien a l’habitude de travailler et effectue cette épreuve. Il faut privilégier les séances au seuil, voire même de « seuil + » puisque les séances proposées par Véronique Billat, effectuées à une allure plus rapide que celle qui correspond au seuil, élèvent significativement le taux d’acide lactique, et développent le pouvoir tampon des coureurs. C’est une option que nous avions développée et dont nous voyons arriver avec satisfaction la confirmation scientifique.
En pratique, on peut aborder de telles sessions sous la forme de répétitions de 500 m (jusqu’à 2000 m), selon la vitesse choisie pour courir, les fractions de 500 m convenant pour les répétitions à l’allure VMA (moins du 1/6 de la distance- limite), alors que les enchaînements de 1000 m s’appliquent plutôt aux courses effectuées à l’allure du 10.000 m.
Peut-on toutefois courir de temps en temps, sur de courtes fractions, à l’allure qui correspond à l’objectif du prochain marathon, afin de bien maîtriser ce rythme ? Cela peut être nécessaire si on craint de mal gérer le rythme. Dans ce cas, plutôt que d’y sacrifier une séance entière, on de contentera de courir à cette cadence certains passages d’une sortie longue, voire d’un footing. Des séquences de 15 à 20 mn peuvent alors suffire.
Autrement dit, pour 2 h d’effort, on prévoira, au plus, au cœur de cette sortie, deux séquences de 20 mn au rythme marathon. On placera un passage plus lent au début, entre ces deux blocs, et en fin de séance, à l’instar de certains coureurs qui, comme Maazouzi- doté d’une VMA de 25 km/h), peut effectuer des séances de récupération à 12 km/h, soit à moins de 50% de sa VMA !
En outre, on privilégiera au maximum les activités de substitution, ou la combinaison course et vélo. En effet, si on effectue en courant l’intégralité de chaque sortie longue, surtout si on dépasse deux heures, on cumule les contraintes mécaniques et articulaires associées aux sorties longues et celles dues à ces éprouvantes séances de rythme. Et on risque alors de casser.
Dernier enseignement de ce travail. L’élite a réduit d’environ 30 à 40% son kilométrage hebdomadaire en l’espace d’une décennie. A l’époque où Dominique Chauvelier régnait en maître sur l’Hexagone, il n’était pas rare de voir des compétiteurs atteindre la barre hallucinante des 280 km hebdomadaires. Si ceux de devant ont révisé à la baisse le nombre de bornes parcourues, il va s’en dire que le gros du peloton devrait faire de même. Je suis convaincu qu’avec 80 km par semaine un coureur qui vaut moins de 35 mn sur 10 km peut accomplir un marathon en moins de 2 h 45 mn… C’est en tout cas la tendance à venir ces prochaines années, surtout avec le vieillissement de la population athlétique.
Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition
SDPO-mag 16 rue Jean Cocteau 95350 Saint Brice sous Forêt Tél : 01 39 94 01 87
Site Internet : www.sdpo.com Email : sdpo@sdpo.com