Extrait du mémoire de master 1 professionnel « Ingénierie de l’entraînement » à Bordeaux II d’Amandine LE CORNEC
Définition de la blessure (voir article précédent sur la gestion de la blessure)
La blessure est prise très au sérieux par le sportif puisqu’il la considère comme une attaque à l’épanouissement de sa carrière sportive ou bien de sa vie quotidienne (May, Capurro & Stuopsis, 1995).
La blessure se définit également comme « un état ressenti qui garde l’athlète à l’écart des séances et des compétitions pendant au moins un jour après l’incident et qui implique une attention médicale ou des soins autres que la simple application de glace ou de strapping » (Noyes et al, 1988, p134-135).
Par conséquent, elle peut être considérée par les athlètes comme une perte de temps pour s’entraîner et/ou engendrer diverses réactions plus ou moins néfastes selon le sportif blessé, tels qu’un sentiment de frustration, d’isolement, de peur de ne pas revenir à niveau, de mettre fin à une carrière sportive…
Dans la mesure où la blessure est quasiment incontournable dans la vie d’un sportif et donc, que la probabilité de se blesser pour un sportif est relativement élevée, il faut savoir l’anticiper et la surmonter.
Les origines « psychologiques » de la blessure
L’origine de la blessure est principalement traduite par des phénomènes psychologiques.
Les CAUSES peuvent être directement ou indirectement liées à l’origine de la blessure.
- Les principaux facteurs directs:
a) La fragilité identitaire de l’athlète : le manque de concentration ou d’attention, le manque de confiance en soi, d’image de soi, de capacité à faire face… la dépression (agression venant de l’intérieur), le stress, la peur de l’échec ou du succès et l’appréhension de la blessure peuvent être à l’origine de la blessure.
Causes de blessure liée au manque de concentration ou d’attention : Un athlète n’étant pas attentif à ce qu’il fait, induit automatiquement un manque de concentration.
Cette perte d’attention peut lui être fatale et lui entraîner la blessure que ce soit à l’entraînement ou en compétition. D’ailleurs, plusieurs auteurs dont Margreiter, Raas et Lugger (1976) concluent que les accidents en ski alpin sont essentiellement causés par l’inattention, des erreurs dans la course, la fatigue, une faible visibilité et des conditions de course médiocres. May, Capurro et Stuopsis (1995) souligne « un problème technique est rarement évoqué comme une cause de la blessure ».
Le principe de la loi en U inversé de Yerkes et Dodson (1908), plus connu dans la relation activation/stress dans l’optimisation de la performance sportive explique aussi ce phénomène.
Lorsqu’un athlète a un niveau d’activation, de concentration, d’éveil trop ou pas assez élevé, il sera plus sujet à se blesser car il sera plus susceptible de commettre des erreurs. Il existerait une zone optimale pour la performance sportive qui se situerait à un niveau d’activation moyen, dans laquelle le
risque de se blesser serait moindre, car les paramètres psychologiques (concentration, éveil, perception) seraient équilibrés. Hanin (1980) soutient aussi que la survenue des blessures seraient plus fréquentes à chaque extrémité du continuum d’activation, c’est-à-dire en de ça ou en de là de cette zone d’activation optimale.
Mais il note que chacun aurait sa propre zone d’activation optimale, ne se situant pas forcément au milieu de la courbe (certains ont un niveau d’activation élevée et d’autres faibles). (May, et al, 1995)
Causes de blessure liée au manque de confiance en soi, d’image de soi, de capacité à faire face…
Le manque de confiance en soi peut entraver la concentration du sportif, ce qui nous reporterait à notre premier point développé ci-dessus. Avoir une bonne image de soi, ainsi qu’une bonne confiance en soi sont de véritables atouts pour un athlète. Le cas contraire pourrait en revanche créer des distractions au sein de l’esprit du sportif. Celles–ci seront alors néfastes et seraient susceptibles d’entraîner une « hésitation mentale » et une faible capacité à « faire face » (c’est-à-dire capacité à se concentrer, à rester positif, et à contrôler son niveau d’activation). Ces deux dernières auront pour conséquence d’accroître le risque de se blesser. (Thill et Fleurance, 1998)
D’après plusieurs auteurs dont Smith, Smoll et Ptacek (1990), les sportifs ayant une faible capacité à faire face et un faible support social à la fois, ont une probabilité élevée à se blesser. Malheureusement, le manque de confiance en soi touche énormément d’athlètes. (May, et al, 1995).
Gil Montandon, hockeyeur professionnel est du même avis : «Je ne crois pas que la surcharge physique soit la plus dangereuse. La fatigue est avant tout psychologique. Quelqu’un qui n’est pas bien dans sa tête a beaucoup plus de risques de se blesser. D’ailleurs, les grands sportifs, ceux qui dominent vraiment dans leur discipline, sont toujours très forts psychologiquement».
Le footballeur, Pascal Zetzmann tire le même type de conclusion: «Si quelqu’un n’a pas confiance en lui, lorsqu’il est dans un duel avec l’adversaire, il va jouer à la “retirette”. On se blesse beaucoup plus facilement en craignant le contact qu’en jouant à 100%.»
Causes de blessure liée à la dépression (agression venant de l’intérieur) : L’instant de la blessure devient proche lorsque le sportif se trouve au centre d’une souffrance irraisonnée et d’un sentiment de malaise (Lecocq, 2003)
Un athlète en dépression se sent déprimé, abattu, renfermé sur lui-même. Ceci provoque chez le sportif une perte d’énergie morale le rendant vulnérable à la blessure. Selon Rosenblum (1979), la dépression diminue la performance sportive et rend plus propice l’athlète à l’échec sportif car il se met en retrait, rencontre des lacunes à se concentrer et perd toute motivation ou toute stimulation. (May,et al 1995)
Causes de la blessure liée au stress : il est indispensable pour la performance du sportif. Cependant, il doit être géré. Si ce n’est pas le cas, le stress ne sera pas positif et s’avèrera néfaste pour l’athlète en provoquant certains symptômes qui pourraient lui nuire. Les principaux symptômes sont :
- Une perte d’attention : comme nous l’avons vu précédemment, elle peut l’amener à se blesser car il n’est plus en situation d’éveil optimal. Le sportif est régit par des pensées inutiles qui le distraient. Ainsi, il n’est plus apte à se concentrer sur ce qu’il fait et sa vision est réduite. Par exemple, un footballeur distrait n’anticipe pas les actions. Il pourrait alors se blesser par un tacle non anticipé. S’il avait été moins stressé, par conséquent plus attentif, il aurait peut-être pu éviter ce tacle.
- Une tension musculaire accrue : le stress peut engendrer une tension musculaire qui augmenterait le risque de la survenue de la blessure. Le fait de subir cette tension est susceptible de rendre l’athlète moins coordonné, moins « fluide » dans ces actions. (Weinberg et Gould, 1995)
- Causes de la blessure liée à la peur de l’échec ou du succès : Cette peur peut émaner d’un manque de confiance en soi entraînant le sportif à ne pas s’investir dans sa séance d’entraînement, par peur de mal faire (Par exemple : la peur de ne pas respecter les chronos escomptés). Tout comme la peur de mal faire, la peur du succès peut être tout autant dramatique pour un athlète. Par exemple, un athlète remettant en jeu sa médaille d’or aux championnats du monde peut devenir stressé. Nous pouvons donc constater que ces deux peurs sont intimement liées, la peur du succès devenant alors une peur de l’échec ou par une peur de décevoir comme celle de perdre sa médaille (Rosenblum, 1979).
- Causes de la blessure liée à l’appréhension de la blessure :
- Un athlète soumis à la peur de se blesser est plus enclin au risque de la survenue de la blessure. Celle-ci peut devenir psychosomatique. Avant les Jeux Olympiques d’Atlanta (1996), des entretiens ont été menés à l’INSEP et ont montré qu’un grand nombre d’entre eux se sentait en surentraînement, à la limite de l’épuisement émotionnel et physique. Ce sentiment leur faisait peur car ils redoutaient la blessure, ce qui avaient pour conséquence de diminuer leur bien être, leur motivation et à terme leur performance sportive. (Thill et Fleurance, 1998) b) Le déraisonnement de l’entraînement : comportement audacieux voire agressif, la prise de risque, manque de communication entre son corps et son esprit, travail au-delà de leur capacité de récupération, dépendance négative à l’exercice.Comportement audacieux voire agressif, la prise de risque : Le sport peut engendrer chez certains sportifs une agressivité afin de faire peur aux adversaires, se rassurer en se montrant fort ou même faire plaisir à son entraîneur. Cette agressivité développerait chez l’athlète une envie de prendre sans cesse des risques, pouvant être la cause d’une blessure. Sans pour autant être agressif, certains athlètes sont prêts à prendre n’importe quel risque pour atteindre leur objectif. A savoir que certains athlètes se sentent invulnérables (May, Capurro et Stuopsis, 1995).
Un manque de communication entre son corps et son esprit renvoie au symptôme d’alexithymie qui correspond à l’incapacité à ressentir et à exprimer ces émotions (Pedinielli, 1992). De ce fait, aucun dialogue ne peut être envisageable entre la raison et le corps. L’alexithymie pousse l’athlète à l’extrême corporel s’avérant dangereux pour son état physique. La maîtrise de son corps est essentielle pour un athlète. Il doit être sans cesse en relation avec son corps et ses sensations. Un sportif ne sachant plus être à l’écoute de son corps se met en danger. Tout athlète doit être capable de ressentir si son muscle « s’étire anormalement » ou si la nouvelle technique qu’il entreprend ne convient pas à son corps. Exécuter ce que dit l’entraîneur n’est pas suffisant, l’athlète n’est pas un robot, il éprouve des sentiments, des sensations qui doivent parfois le guider pour éviter l’insupportable : la blessure. « Il faut savoir écouter son corps mais pas s’écouter » ! (Lecocq, 2003, p 377)
- Un travail au-delà de leur capacité de récupération, dépendance négative à l’exercice : Un athlète doit impérativement respecter les charges conseillées par son entraîneur. Le cas contraire pourrait lui être fatal car il serait prédisposé à tout accident susceptible de le blesser. La récupération joue un rôle fondamental dans la programmation de l’entraînement.Malheureusement, beaucoup de sportif deviennent des « accros » voire des « drogués » de l’entraînement, ce qui les amènent à vouloir toujours s’entraîner plus, et donc à ne pas respecter la récupération de leur organisme.Par le sentiment de ne pas se sentir assez entraîné, ils augmentent leurs charges d’entraînement en durée et en intensité pour rattraper le « temps perdu » et par ce fait la blessure survient presque comme une fatalité (Charly, 2001).
c) La fatigue physique et psychique
La fatigue psychique et physique sont intimement liées. D’ailleurs, la caractéristique principale de la fatigue est la dépression (décrit ci dessus). La fatigue psychique précède l’apparition de la fatigue physique, traduit par des troubles du sommeil, ayant pour conséquence d’accentuer la fatigue du système nerveux. Par ailleurs, la fatigue se définit souvent comme le résultat du surentraînement associé à un épuisement émotionnel. Les signes psychologiques de cet épuisement se manifestent par une perte d’intérêt et de motivation pour le sport pratiqué, une baisse du désir de jouer, des chutes d’attention, puis par une diminution de l’estime de soi, une perte de contrôle etc.… Comme nous l’avons vu précédemment, ces symptômes peuvent accroître le risque de blessure.
NB : Sept facteurs de causalités des blessures d’après Sanderson (1978) résultant d’une activité contre – phobique, de la masculinité (test du courage et virilité), du masochisme, comme une arme, une évasion, un mensonge ou encore une blessure psychosomatique.
2 – Les facteurs indirects dans la survenue de la blessure :
- – L’environnement relationnel : Relation avec l’entraîneur avec les fédérations, les sponsors, les médias, les supporters : avec les athlètes de son club avec sa famille son entourage extra sportif : amis, collègues de travail…- Les événements de la vie : Changement d’entraîneur, d’entraînement, d’horaire d’entraînement ; Décès, naissance, mariage, divorce ; Etudes, examens, travail ; Déplacement (stage, compétition…) ; Compétition à objectif important ; Conflits… Les changements, les problèmes relationnels ou les évènements inhabituels de la vie quotidienne heureux ou tristes (décès, licenciement, mariage, problèmes familiaux…) peuvent vous distraire et ainsi générer une blessure.
Pourquoi ? Vos muscles seront tendus et pas aussi réactifs qu’à l’ordinaire. Prenons un exemple simple : vous avez eu une contrariété dans la journée, vous partez courir en étant distrait. Vous ne faîtes pas attention à la topologie du terrain et vous vous tordez la cheville. Ordinairement, votre cheville n’aurait peut-être rien eu de grave. Mais, cette fois-ci vos muscles auront été tendus et non réactifs ce qui pourrait occasionner une entorse.
Pour conclure, ces changements de la vie quotidienne , le manque de soutien social, de confiance en soi, d’attention, de concentration, la mauvaise estime de soi, la dépression, la mauvaise gestion de son entraînement, la prise de risque, la non-communication entre son corps et son esprit, le sentiment de peur dans la vie d’un sportif (échouer à une compétition) ne peuvent qu’affecter la santé d’un athlète et augmenter le risque de se blesser.. De ce fait, le sportif devra rester vigilant face à ces facteurs potentiellement responsables de l’apparition de la blessure.
Amandine LE CORNEC-BOUTINEAU
Entraîneur diplômé FFA
Titulaire d’un Master 2 Recherche et Professionnel
« Ingénierie de l’entraînement »
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