L’une des questions qui reviennent le plus souvent est de savoir combien de temps après un marathon il est possible d’en programmer un autre. La volonté de ne pas être imprudent et le plaisir de « remettre çà  » rapidement s’opposent, et finalement conduisent à la recherche d’une réponse simple, toute faite et rassurante. Or il est impossible de donner un délai universel au-delà duquel on peut s’élancer sans risque. On peut par contre aider le coureur à situer le moment où les feux sont tous repassés au vert.
LA FATIGUE N’EST PAS SEULEMENT LIÉE AU MARATHON QUI VIENT D’ÊTRE COURU :
On pense hélas habituellement que la fatigue occasionnée (logiquement) à l’arrivée d’une épreuve est le résultat exclusif des efforts fournis le jour « J » sur 42 km et des poussières. On considère ainsi, en général, que la compétition est abordée avec aucune séquelle de l’entraînement préalablement effectué ou que, dans le meilleur des cas, elle est l’apanage exclusif des sessions d’entraînement effectuées lors de 8 à 10 dernières semaines et donc, de ce fait, tout à fait quantifiable et contrôlable. Il est beaucoup plus rare de penser que l’enchaînement de séances « standard », inspirées d’un programme « moyen » établi pour un coureur à caractéristiques moyennes, ne donne pas toujours les mêmes résultats, mais occasionne au contraire un impact qui varie selon les individus et leur degré d’entraînabilité, c’est-à -dire leurs aptitudes génétiques à tolérer l’entraînement. Celles-ci sont indépendantes des autres caractéristiques innées qui, quant à elles, conditionnent le niveau optimal atteint par le coureur. On peut par exemple posséder de grandes aptitudes mais être fragile. Ou courir difficilement à plus de 15 km/heure mais supporter sans mal des semaines à 100 km. Il n’y a pas de corrélation entre le niveau moyen du coureur et son aptitude à répondre à l’entraînement ; c’est pourquoi décliner un plan en nombre de séances par rapport à un chrono à atteindre ne constitue pas une approche individualisée optimisée. Viser 3 h n’oblige pas à effectuer 4 séances, pas plus que se fixer 2 h 40 n’impose de courir cinq fois dans la semaine. Tout dépend de la carcasse et de la facilité à encaisser, entre autres facteurs…
De plus, ces programmes font abstraction de l’entraînement invisible, mais souvent lourd, associé au travail, aux conditions dans lesquelles s’exerce la profession, aux trajets imposés pour se rendre sur son lieu d’activité, pour en revenir, pour aller s’entraîner, pour se rendre en compétition. Il néglige aussi cette fatigue consécutive à la perte d’heures de sommeil, au bébé qui ne fait pas ses nuits, au travail en 3 x 8, ou au marathon couru 6 mois plus tôt et dont on découvre, en cours de préparation, qu’il a occasionné une dette qu’on n’a pas fini de rembourser. Combien de fois ai-je entendu tel coureur s’exclamer : « depuis mon dernier marathon, il y a six mois, je n’arrive plus à aller aussi vite sur la piste ». Certains se rassurent en interprétant ce changement comme étant le signe d’une plus grande endurance. Ce n’est en fait pas le cas ; on ne progresse jamais sur le long en perdant ses qualités de base. Cette perte de vélocité est tout simplement le résultat des séquelles d’une fatigue mal compensée.
Évidemment, les habitudes nutritionnelles interviennent aussi pour expliquer la grande variabilité, d’un sujet à l’autre, dans les aptitudes à récupérer, non seulement d’une séance à l’autre mais aussi, évidemment, d’une programmation à l’autre. L’absence de boisson énergétique de collation de récupération, l’insuffisance du petit déjeuner, certaines carences, la persistance de troubles digestifs handicapants sont autant de maillons faibles qui vont faire que, au bout du compte, la fatigue frappe bien plus tôt que ce que l’entraînabilité potentielle du sujet aurait dû laisser prévoir.
PAS DE DÉLAI CONNU :
De ce fait, il n’existe pas de délai maximal au-delà duquel on est sûr d’avoir complètement récupéré du marathon. L’exemple du marathonien américain Alberto Salazar, jamais revenu à son meilleur niveau après l’épreuve olympique de Los Angeles où il subit un terrible coup de chaleur, est là pour nous le rappeler. Le fait encore de ne jamais établir, au plus haut niveau mondial, sa meilleure performance personnelle au-delà de sa cinquième tentative sur la distance vient aussi en attester ; le capital « récupération » du marathonien de haut niveau est comme un bocal qu’on vide un peu plus lors de chaque épreuve, jusqu’à ce que les poissons se retrouvent le ventre à plat et l’œil vitreux. Pour le coureur lambda, il en va souvent de même. La vitesse de course n’a rien à voir. Dans les deux cas, par contre, on sollicite les limites d’adaptation de l’individu. Mais la fatigue chronique n’est pas non plus une fatalité. Il reste possible de s’en prémunir. Comment ? L’approche de l’entraînement, plus centré sur la perception de ce qui se passe en soi, est une importante pierre dans cet édifice.
Pour cela, on peut proposer quelques règles simples pour améliorer la récupération qui suivra le marathon :
- ne jamais s’entraîner sans apport énergétique
- Ne pas sauter de petit déjeuner
- Ne pas oublier les collations de récupération.
- Ne jamais empiéter sur son temps de sommeil pour courir
- Alléger l’entraînement dès que la qualité du sommeil est altérée plusieurs jours consécutifs
- Ne pas accepter de courir trois jours de rang sur de la fatigue
- Ne jamais hésiter à reporter une séance difficile lorsque les sensations ou les contraintes du jour n’y sont pas favorables. Ni à stopper une séance quand les sensations sont mauvaises dès le début, et le restent après 15 mn d’effort.
- Ne jamais sauter de journée de repos
- S’accorder une semaine par mois d’entraînement allégé.
Au-delà de la mise en œuvre progressive de ces règles simples de gestion de l’entraînement au quotidien, on verra que quelques tests réalisés au cours de la reprise permettront d’avoir une estimation de son véritable niveau d’aptitude du moment. Ainsi, les premiers footings, une fois les douleurs musculaires dissipées (ce qui demande de 4 à 10 jours), peuvent laisser une impression trompeuse d’aisance. Le bon moyen de jauger véritablement sa récupération sera à travers une ou deux séances suffisamment difficiles pour vous obliger à vous « rentrer dedans », mais pas trop dures non plus pour ne pas risquer de vous cramer davantage. Passés huit à dix jours de footing, on peut par exemple tenter une séance de 3 x 800 m, avec 1’30’’ de récupération entre chaque déboulé. Si vous ralentissez systématiquement entre chaque répétition (de trois à quatre secondes, voire plus) ou si vous avez beaucoup de mal à finir, vous n’êtes pas prêt à remettre le collier sérieusement. Un autre test intéressant consiste à boucler un parcours étalonné demandant de dix à douze mn en temps normal. Votre fréquence cardiaque moyenne et le chrono réalisé au débotté vous en diront beaucoup sur vous. Si vous mettez 5 à 10% de temps en plus, ou si votre fréquence cardiaque moyenne dépasse constamment celle qui correspond habituellement à votre effort sur ce parcours, si de surcroît le pouls redescend plus lentement, il est urgent d’attendre.
En général, deux semaines de repos supplémentaire, soit avec une coupure totale, soit avec une activité de substitution un jour sur deux, soit encore en alternant course à pied et vélo (ou autre sport). Dans ce cas, on évitera d’y mettre trop d’intensité, d’atteindre les durées habituelles de vos séances (diminuer d’un tiers environ) et on soustraira une séance. Par exemple, si vous avez l’habitude de courir trois fois par semaine, restez temporairement à deux sorties hebdomadaires. Lorsque les sensations sembleront être revenues, procédez à nouveau au test précédent. Si cette fois les résultats sont favorables, cela indiquera que vous serez prêt à entamer une nouvelle préparation, au cours de laquelle les mêmes règles de prudence que précédemment seront de mise…
Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition
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SDPO, c’est aussi l’organisation des Foulées de la Soie et l’Ultra Trail d’Angkor