Avec un chiffre d’affaire annuel de 4,7 milliards de dollars par an, le groupe « Coca Cola », universellement implanté dans le monde a largement diversifié ses produits. Il connaît un succès si florissant qu’à Atlanta, on désigne désormais l’eau minérale comme son principal concurrent ! Critiqué de nombreux détracteurs, la boisson à la formule secrète codée « 7X » continue à subir de plein fouet des critiques sévères concernant son fleuron : le « Coca ». Sur le site de la société, on découvre la ligne de défense retenue par ses dirigeants : Dénoncer les rumeurs !
RÉTABLIR LA VÉRITÉ :
Brandir l’argument de la rumeur est une manière habile de couper court à toute analyse objective des critiques qui vous sont adressées. Or, concernant le coca, elles ne manquent pas et, contrairement à ce qu’entendent les dirigeants du géant américain, elles sont très fortement documentées. Nous allons y revenir dans ce dossier, d’autant plus sensible que compte tenu de sa richesse en sucre et en caféine, et par l’envol de produits de la gamme tels que « Powerade » (+ 25% en un an) ou les jus de fruit « Minute Maid » (plus 20%), Coca Cola lorgne de plus en plus du côté des sportifs, aux besoins desquels ses produits ne répondent pourtant absolument pas.
1°) « l’acidité du Coca peut dissoudre l’émail dentaire » :
Selon ses responsables, il s’agit d’une pure invention. Mais un certain nombre d’écrits suggèrent clairement le contraire ; plusieurs travaux portant sur la relation pouvant exister entre la prise de boissons sucrées et les altérations de l’émail dentaire, ont souligné que plusieurs facteurs pouvaient favoriser cette atteinte.
Citons d’abord l’acidité des liquides. La perte minérale de l’émail, qui survient indépendamment de toute action microbienne, s’observe dès que le pH de la boisson se situe en dessous de 5,5. Rappelons que plus une boisson est acide, plus son pH est faible. 7 correspond à la neutralité, 0 à une acidité très forte. Or le Coca présente une acidité bien plus forte que cette valeur seuil (1). En outre, la richesse en sucre qui favorise la prolifération bactérienne au niveau des sites dentaires lésés (les futures caries) et en acide phosphorique, caractéristique des boissons gazéifiées, font de la boisson américaine un coupable de choix. C’est un constat bien plus fondé qu’une rumeur !
2°) « Le Coca peut favoriser l’ostéoporose » :
L’ostéoporose est une maladie évolutive complexe, multifactorielle, dont la prise en charge accorde une large place aux facteurs nutritionnels. De ce point de vue, on a longtemps raisonné en mettant en avant l’importance du calcium, du fait qu’il s’agit du principal constituant minéral de l’os, et que sa présence aux âges avancés résulte largement de ce qu’apporte notre alimentation. Cela étant, quatre types d’acteurs se partagent la scène. Interviennent en premier chef les constituants qui, outre le niveau des apports en calcium, accroissent l’absorption intestinale de celui-ci. Il s’agit notamment des fibres, du lactose, ou de certaines graisses, qui sont donc bénéfiques sur ce plan. Participent aussi les composants de notre ration qui peuvent, à l’inverse des précédents, diminuer l’absorption intestinale de ce minéral. Il s’agit par exemple des phytates et oxalates alimentaires (contenus dans le thé, la rhubarbe, les épinards), de la caféine, mais davantage encore du phosphore, abondant dans les produits d’origine animale.
La troisième série d’acteurs est celle des nutriments qui diminuent l’importance des pertes urinaires de calcium. Le potassium compte parmi eux et pour cela il est un élément protecteur remarquable. De par sa richesse dans les fruits et légumes, on comprend un peu mieux le paradoxe asiatique, dans lequel on observe un faible taux d’ostéoporose chez des individus peu portés sur les laitages, mais très portés sur les fruits et les légumes. Enfin, la dernière série d’acteurs est celle des composés qui accroissent, parfois de manière très spectaculaire, les pertes urinaires de calcium. C’est au niveau du rein que les éléments néfastes les plus influents interviennent : on incrimine ainsi les protéines animales (viandes), le sodium (sel ajouté dans les aliments industriels) et enfin l’acide phosphorique, très fortement dosé dans le Coca.
Une étude réalisée par des spécialistes de la Harvard School of Public Health de Boston,  auprès de 400 jeunes femmes « accros » aux sodas et au Coca, elle a révélé que leur consommation quotidienne multipliait par 3 le risque de fracture des os chez les adolescentes, et à plus long terme accroissait la fragilité osseuse, ce qui augmentera sérieusement le risque d’ostéoporose après la ménopause, ou chez des athlètes aménorrhéiques. En 1994, une autre étude, conduite par la même équipe, a regardé les habitudes alimentaires et sportives de 76 filles et 51 garçons, âgés de 14 ans en moyenne, et membre d’une équipe de natation ou recrutés dans les salles d’attente des cabinets médicaux.
La consommation moyenne de coca était de l’ordre de 0,7 et 0,5 canettes par jour pour les filles d’une part et les garçons d’autre part. Environ 40% de ces jeunes avaient déjà subi une fracture. Il apparaît que chez les féminines, la consommation régulière de coca multipliait par 3,6 le risque de fracture (2)! L’analyse révélait que la caféine n’était pas en cause, pas plus que le sucre.  Qu’il fût « light » ou non ne change rien au risque potentiel que fait courir le Coca, dès lors qu’on en avale au moins 4 l par semaine. L’augmentation des apports en calcium ne paraît pas susceptible, chez les femmes, de compenser cet effet défavorable. Autrement dit, au lieu de contre-balancer le recours au coca par l’ingestion d’une quantité accrue de laitages, il semble préférable de restreindre aux occasions exceptionnelles l’ingestion de cette boisson gazeuse et des sodas. En effet, les experts pensent désormais que ce qu’ils nomment l’ostéopénie (la perte de densité osseuse) liée à l’âge est plus tributaire d’une perte excessive de calcium que d’apports inadéquats (3).
3°) « LA RICHESSE EN CAFEINE CREE UNE ADDICTION CHEZ LES PLUS JEUNES » :
La firme d’Atlanta critique véhémentement cette affirmation qu’elle juge quasiment diffamatoire. Mais dans le même temps, elle essaie de positionner le Coca sur le marché sportif en arguant de sa richesse en caféine. Pour beaucoup d’athlètes, l’abondance de cet alcaloïde confère un avantage. On lui prête ainsi de multiples vertus, comme celle de donner un « coup de fouet » dans les efforts de longue durée. Cette caféine a aussi la réputation de diffuser très rapidement dans l’organisme. Pourtant, une étude vieille de 30 ans démontre exactement l’inverse (4). Pour une dose identique de caféine, le coca produit un pic de concentration plus tardif et plus faible que le thé ou le café, survenant environ 3 h après l’ingestion de la boisson. On ne voit pas très bien comment cette cinétique d’action particulière peut conférer un avantage à l’effort. D’ailleurs, aucune étude récente visant à démontrer l’effet « coup de fouet » n’y est finalement parvenue (5). Par contre, ce travail aide à comprendre pourquoi les enfants qui en consomment en fin de journée peuvent plus difficilement s’endormir et, du fait d’une capacité limitée à dégrader la caféine au niveau hépatique, en subissent les effets plus longtemps. En outre, lorsqu’on compare entre eux les travaux consacrés au Coca à différentes époques, on s’aperçoit que la teneur en caféine de cette boisson a doublé depuis 1970.
Cela peut tout à fait suffire à provoquer une forme de d’addiction, déjà redoutée par le professeur Bolton en 1981, qui n’hésitait pas à évoquer, à propos de la caféine, « la drogue la plus répandue au monde ». Imaginez le problème lorsqu’on sait qu’aux Etats-Unis la consommation de nombreux adolescents représente un galon par jour, soit 3,8 litres, qui délivrent près de 4000 mg de caféine, là où 500 suffisent à provoquer des effets secondaires durables chez les plus jeunes d’entre nous. Peut-on encore parler de rumeur à propos de ce problème ?
4°) « L’EMPLOI ABUSIF DU COCA LIGHT EXPOSE AUX RISQUES LIES A L’ASPARTAM » :
L’aspartam constitue le fer de lance des édulcorants, c’est-à -dire des substances non caloriques dotées d’une saveur sucrée. Il semble constituer une alternative magnifique à tous les « accros » du coca et des sodas qui, conscients de la richesse en sucre de leurs boissons favorites, refusent de prendre du poids à cause d’elles. L’aspartam a une histoire assez courte. Le produit a été découvert fortuitement en 1965 par un chercheur de la société Searle, qui travaillait alors sur les problèmes d’ulcère. Le produit semblait inoffensif et, le 26 juillet 1974, il reçut l’agrément commercial.
Au début, celui-ci ne concernait que les aliments solides. Mais un mois plus tard, deux éminents scientifiques émirent une série d’objections. John Olney et James Turner avaient en effet découvert que des animaux de laboratoire développaient des crises d’épilepsie et des tumeurs cancéreuses après consommation d’aspartam. Dans le courant du mois de décembre la F.D.A. (l’analogue du Ministère de la Santé aux USA), prit donc la décision de suspendre l’autorisation de mise sur le marché. On n’entendit plus parler du produit pendant 6 ans, jusqu’à l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison Blanche. Dès cette époque, son amitié avec les dirigeants de Searle constituait un secret de Polichinelle.
L’une des premières décisions présidentielles fut d’ailleurs de démettre l’ancien commissaire de la FDA, responsable du blocage, et de le remplacer par un certain docteur Hayes, beaucoup plus complaisant. Celui-ci chargea à son tour une commission d’évaluer les risques. Elle se prononça défavorablement… et dans la foulée il décida néanmoins d’autoriser l’incorporation de l’aspartam dans les boissons gazeuses, avant de quitter son poste. Quelle carrière allait-il épouser ? Celle de responsable des Relations Publiques chez Searle ! L’aspartam refit alors une entrée fracassante sur le marché. Une autre décision totalement incroyable est intervenue en 1993 ; la FDA décida en effet d’autoriser l’incorporation d’aspartam dans de nombreux produits alimentaires chauffés au-delà de 30°C, ce qui favorise l’apparition de dérivés toxiques. A l’heure actuelle, selon le très officiel « Adverse Reaction Monitoring System » de la FDA, chargé de recueillir les plaintes des consommateurs, en matière d’alimentation, enregistrées sur l’ensemble du sol américain, l’aspartam représenterait, à lui seul, plus de 75% des réactions défavorables enregistres en 1994. Parmi eux, de nombreux consommateurs de « coca light » même pas sûrs de maigrir puisque, selon le rapport de synthèse commanditée à grands frais par les chimistes qui fabriquent ce faux sucre « l’emploi de produits édulcorés dans le cadre d’un régime amaigrissant n’a pas d’influence significative néfaste sur la perte de poids » (6), ce qui est une façon déguisée de dire que çà ne sert à rien.
LE COCA N’EST PAS UNE BOISSON DE L’EFFORT :
Tordons enfin le coup à une idée véhiculée par ses fabricants et son réseau commercial : Le « coca » n’est pas et ne sera jamais une boisson adaptée à l’effort, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, il est trop pauvre en sodium (environ 40 mg/l), ce qui est notoirement insuffisant pour compenser les pertes occasionnées par la sueur lors de l’exercice. Lors d’efforts de longue durée (trails, cent km, longs triathlons), l’inconvénient n’est pas seulement théorique. La littérature médicale décrit des cas graves d’hyponatrémies, survenus chez des coureurs qui avaient compensé par de trop grandes quantités de Coca leurs pertes hydriques sudorales (7).
Si le Coca ne comporte pas suffisamment de sel tout le monde sait, par contre, qu’il renferme bien trop de sucres. Il s’agit d’une boisson hypertonique. Les phénomènes osmotiques qui suivent son arrivée dans le tube digestif provoquent un afflux d’eau dans les intestins qui va à l’encontre du but recherché, qui est de réhydrater. Des phénomènes de diarrhée et des défaillances peuvent s’ensuivre, alors que la présence de caféine va favoriser une augmentation des pertes urinaires après l’effort. Enfin, cet apport glucidique n’est pas accompagné des vitamines nécessaires à sa combustion dans les cellules, notamment les B1 et B2 qui doivent d’ailleurs figurer à des taux minimaux dans les boissons dites « de l’effort », dont la composition est définie par un cadre légal très strict.
La seule recommandation qu’on peut finalement en faire à ceux qui, malgré tout, ne peuvent s’en passer complètement, se situe entre 3 et 6 heures après l’effort, une fois l’athlète réhydraté, dans un contexte purement ludique et nullement indispensable. Il y a bien mieux d’un plan strictement nutritionnel ou sanitaire.
Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition
(1)Â Â : MILOSEVIC A (1997) : Brit.J.Sports Med., 31 : 28-30.
(2)Â Â : WYNSHAM G FRISCH RE & Coll (1994) : Soc.Adol.Med., 15 : 210-5.
(3)Â Â : NORDIN BCE, POLLEY KJ & Coll (1987) : Am.J.Clin.Nutr., 68 : 1118-22.
(4)Â Â : MARKS V, KELLY J (1973) : Lancet, april 14, 827.
(5)Â Â : CLASING D & Coll (1996) : Int.J.Sports Med., 17 : S 45.
(6)Â Â : ROLLS B, PIRRAGLIA P & Coll (1992) : Am.J.Clin.Nutr., 56 : 84-92.
(7)Â Â : NOAKES T, GOODWIN N & Coll (1985) : Med.Sci.Sports Exerc., 17 : 370-5.
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